samedi 21 juillet 2012

Ascension du Mont Fuji

Voici enfin le récit de notre épopée au mont Fuji, par Paul, Adrien, Butro et moi-même. Cet article relate les événements de façon chronologique en adoptant nos différents point de vue. Il est très long, mais il faut bien ça pour vous donner une idée de l'épreuve que ça a été.


Samedi 21h

Vincent : Nous avons laissé les voitures sur le parking à la base du mont Fuji. Le volcan qui culmine à près de 4000m est comme un géant posé au milieu d'une large plaine, les sommets alentour ne dépassant pas les 1400m de hauteur.

Nous nous sommes changés à la lumière de nos lampes torches. Les japonais étaient bien équipés : multiples couches, veste et pantalon imperméable, chapeau, oxygène... De notre côté, c'était plutôt du jean-baskets (les mieux équipés avaient quand même des chaussures de marche).

Nous avons ensuite pris un bus jusqu'à une petite station à environ 2000m, le point de départ de notre randonnée. Environ 1800m de dénivelé jusqu'au sommet, que les japonais ont prévu de faire en 6 heures. Une vrai promenade de santé, pensions-nous.


Samedi 22 h

Adrien : Nous sommes partis tranquillement, l'air était alors agréablement frais. J'étais en T-shirt. Les autres avaient déjà par précaution enfilé une épaisseur supplémentaire. Moi, je savais que je n'en avais pas besoin à ce moment, ayant rapidement chaud quand je marche. Et une surchauffe aurait conduit à une sudation préjudiciable pour la suite.

Nous avancions donc d'un bon pas, avant de nous faire rapidement rattraper par le japonais sportif, Junichi Kitagawa, qui nous demanda de ralentir. Lui, notre rythme ne le gênait pas, mais les autres japonais et les deux du MIT avaient du mal à tenir la cadence. Nous avons donc obtempéré. Un peu plus tard, nous avons adopté un rythme de marche-pause régulier, plus à notre convenance.

Nous avons donc marché. Si au début, le monde sur la piste était comparable à une forte fréquentation des chemins des Alpes et des autres montagnes européennes, on est devenu rapidement très nombreux. Le mont Fuji n'est accessible que 2 mois par an pour cause de neige (maintenant, je veux bien le croire, alors que l'été japonais voit des températures de plus de30°C) et c'était un weekend de trois jours (Lundi férié), ce n'était pas un moment propice à la solitude. Et les japonais ne sont pas des grands marcheurs dans l’âme (sauf rares exceptions). Ils sont désespérément lents. Ils s'enlise dans les rochers. Dans les premier temps, ça allait quand même, le chemin était suffisamment large pour les doubler, même dans les cailloux et dans les escarpements rocheux. Pour ces derniers, où il fallait grimper, j'avais un peu de mal car il vaut mieux s’agripper aux prises avec les deux mains et y voir pour diriger au mieux les manœuvres. Moi, j'avais une torche à la main, ce fut encore plus acrobatique (même quand je la tenais par le fil entre les dents, la visibilité n’était pas bonne). Parfois, je pouvais profiter de la lumière d'autres randonneurs, mais pas toujours. Sur le chemin, se trouvait quantité de petites cabanes pour abriter les randonneurs, offrant lieux de repos, restaurant et toilettes. C’était surtout l'occasion d'une pause bienvenue. Ces "Mountain Huts", selon le plan anglophone, se voyaient de loin dans la nuit.


Paul :  Ce rythme a continué pendant environ 2h. Nous grimpions un petit peu, nous faisions une pause d'une durée proche de celle de notre marche, et ainsi de suite. La raison pour laquelle nous devions les attendre autant était que monter au rythme des japonais revenait à monter sur les mains. C'est épuisant de monter à un rythme trop lent. De plus, sans qu'il fasse très froid, marcher à un rythme correct permettais de se maintenir au chaud. Il y avait quelques rafales de vent, donc c'était important de ne pas se refroidir.

Vers minuit, nous proposâmes au groupe de se séparer, et ce pour plusieurs raisons :

- Le rythme devenait difficile à supporter : vers 2800m d’altitude, il est déjà pas forcément facile de bien respirer. Alors avec le rythme des autres, c'était compliqué. Cela permettais que chacun puisse être confortable durant l'ascension.

- Nous commencions à avoir du retard sur le planning. Il y avait pas mal d'autres personnes montant le Fuji-san, et donc notre progression s'en trouvait ralentie. Si nous voulions être à l'heure au sommet, cela ne pouvait être possible avec le groupe dans son ensemble.

Nous nous sommes donc séparé. Rapide-jap est venu avec nous, les 5 français. Nous étions donc un groupe de 6.

L'ascension se poursuivi normalement. La foule devenait de plus en plus nombreuses, mais les chemins étaient suffisamment larges pour pouvoir les dépasser. La température continuait à baisser, mais cela restait très largement supportable. Durant cette périodes, nous avancions par à coup, en raison de l'altitude : la montée étant assez raide sur un sol pas toujours très facile (à base de sable, de poussière et de gros cailloux), nous montions pendant 15 minutes et faisions une pause de 5 minutes. Ainsi, nous nous réchauffions lors de la montée, et nous reposions pendant les pauses. Avant d'avoir froid, nous repartions.


Dimanche 2 h 

Butro : Étant un grand sportif, mais pas trop quand même, je suis assez vite fatigué, mais nous retrouvant rapidement bloqués par la horde de japonais méga lents qui montaient eux aussi le mont fuji, prenant toute la largeur de la piste, j'ai pu sans trop de problème arriver jusqu'à 3000m d'altitude.

Cependant, j'allais découvrir que, contrairement à mes camarades, l'altitude ne me faisait pas du bien du tout, mais alors pas du tout.
Parti avec le groupe de tête composé de Paul, Vincent, Victor, Adrien et un japonais gros keum, dont le but était d'arriver au sommet avant le lever du soleil tant nous avions été retardé par la foule des vers de terres/japonais tout au long de la randonnée.

Arrivé à une petite station/buvette, j'ai commencé à me sentir très mal : grande douleur au ventre, difficultés respiratoires, et des frissons dans tout le corps. Je décide donc de me reposer un peu (logique ^^) à cette fameuse station dont le nom ne m'est jamais revenu; appelons-là Tombouctou. Les autres voyant que je ne vais pas bien, me laissent donc me reposer et continuent leur chemin.


Vincent : Nous avancions d'un bon rythme depuis que nous avions laissé le reste du groupe derrière. Toutefois, la fatigue et le manque d'oxygène (nous avions refusé les diffuseurs d'oxygène que nous proposaient les japs. Faut pas déconner, quand même) ont commencé à rendre l'ascension difficile. Le vent maintenant très froid et une sorte de bruine qui s'était mise à tomber n'arrangeaient pas les choses non plus.

Arrivés à la 8ème station, Butro avait vraiment l'air à bout de forces. Nous décidions de le laisser se reposer pour continuer ensuite avec le reste du groupe. "Reste pas là", lui dit-je en le voyant s'effondrer contre un mur, complétement exposé aux bourrasques glaciales. Il hocha la tête d'un air absent, et je rattrapai les autres.


Adrien : Nous espérions encore arriver au sommet pour le lever du soleil, malgré un retard de plus en plus important. J’étais quand même le plus lent des rapides, surtout dans les zones non caillouteuses, qui se faisait de plus en plus rares. Je prenais appui sur le mur de pierre bordant le chemin, je rêvais de mon bâton de marche habituel. La pluie cessait parfois momentanément et le vent alors nous tourmentait par de brusques bourrasques. Il charriait en plus parfois des poussières bien irritantes. La foule se faisait de plus en plus compacte, s’étalant sur la largeur du chemin et nous a séparé. Avec mon gros sac, j’étais moins agile. Mais, nous nous retrouvions toujours pour des pauses. Nous sommes arrivés à la huitième étape et nous y avons laissé Jérémy, qui n'en pouvait plus, à l’abri des cabanons. Nous avons continués.


Butro : Initialement, je devais continuer l'escalade avec le groupe qui était derrière nous à environ 15 minutes de marche. J'attends donc dehors, dans le froid et au milieu de la brume glacé des nuages, des bourrasques de vent terribles et de la foule des japonais suréquipés (à ce stade, il est important de savoir que je n'étais équipé que d'un petit sac type "je vais en amphi en touriste", d'un t-shirt et de deux pulls type BDS). Après 15 minutes à mourir à petit feu sur le bord de la route, le deuxième groupe arrive, me salue d'un geste de la main, et continue sa route.

Et oui, car en fin de compte, tout le monde se dit : bahhh, c'est pas grave si il reste derrière ! On le retrouvera en descendant !
C'est d'ailleurs également ce que j'ai pensé. Étant tout de même suffisamment en hauteur, j'espérais pouvoir apprécier le lever du soleil depuis cette station (environ 15 mètres x 3 mètres de terrain plat, avec une petite baraque) .

Mais dehors, le froid est terrible, et je me dis intérieurement : si je reste dehors, je vais mourir. Il y a une petite baraque à deux mètres, je vais tenter de rentrer dedans. Comprenez-bien que cette petite bâtisse était assez inquiétante, surtout que je n'avais aucune idée de si il fallait payer quelque chose, consommer pour pouvoir rentrer etc. Mais bon, survie oblige, je rentre, enlève mes chaussures, et me mets discrètement dans un coin, les bras autour des genoux. Température ambiante : 5 degrés. La fête quoi ! 


Dimanche 3h

Paul : La foule devenait de plus en plus nombreuse. Ce n'était à ce moment plus possible d'avancer à son rythme, sur les chemins trop étroits du paysage lunaire autour de nous. De plus, rester groupé n'était pas forcément évident non plus : Nous nous sommes un peu écartés régulièrement, mais nous arrivions à nous retrouver par la suite.

Le temps aussi se dégradait. Les rafales de vent devenaient de plus en plus fortes, au point de vous déséquilibrer lors de la montée. C'est alors que nous sommes rentrés dans un nuage.

Tout d'abord, le temps était juste humide, et la visibilité moins bonne. Il faisait également plus froid, mais tout ceci restait encore supportable. Mais la pluie a fini par faire son apparition. Tout d'abord pas très violente, elle a assez rapidement fini par être très pénétrante.


Vincent : Tout en montant à la vitesse d'un escargot, je me félicite intérieurement d'avoir emmené mon imperméable, qui me protégeait efficacement de la pluie et du vent. A côté de moi, Paul et Victor commencent à tirer des têtes de 6 pieds de long. Marcher dans un nuage entouré par une foule compacte n'est pas une expérience très agréable. Au moins, je ne souffrais plus du manque d'oxygène et avais pu retrouver mon souffle, notre allure étant tout sauf sportive.


Butro : Je dévore timidement mon sandwich et ma tablette de chocolat blanc (je vous dit pas le bohneur que c'est de voir du chocolat blanc dans cette situation ^^), espérant ne pas me faire gronder. Aucune remarque. Ouf.

Je pense que c'est le moment de décrire un peu les personnage dans cette auberginette (je tente de varier mon vocabulaire). Depuis ma position, il y avait un comptoir à 2 mètres devant moi sur la gauche, et des tatamis par terre sur un surface de 15m². La pièce était délimité par des rideaux et quelques murs en bois. J'avais à côté de moi un jeune homme que j’estimais avoir 25 ans, un fille dans un coin en mode zombie, et des vieux à l'autre bout de la pièce. Des employés rôdaient autour du comptoir.

Je demande gentiment, en japonais (sisi!), à mon voisin, si il est possible de dormir un peu ici, sachant que j'avais très bien vu le gros panneau à l'entrée qui disait "NO REST". Il me dit qu'il n'y a aucun problème. Fatigue oblige, je m'endors sur les tatamis, qui m'ont semblé pour cette fois être des supports bien confortables.

Après une demi-heure de sommeil profond (il était environ 3h15), un employé me réveille en me disant "NO REST". J'avais envie de lui dire "ENCULE", mais je pense pas qu'il aurait compris. Du coup, mon voisin, qui était encore là, s'excuse, et on commence à discuter. En fait, il avait 21 ans, et... et c'est à peu près tout ce que j'ai bité de ce qu'il m'a dit. Pour vous donner un ordre d'idée, vous regardez un animé sans sous-titres, vous prenez le mec qui parle de la façon la plus aléatoire du truc, vous divisez par deux l'information captée par votre cerveau, et vous y êtes à peu près. Mais je crois qu'il était joueur de foot. Il dit aux gens autour que je suis français, du coup tout le monde commence à me parler (comprendre 4 personnes), et le temps passez relativement vite.

J'apprends que cette petite maison sert à dormir (à bon ?) et qu'il y a derrière les rideaux qui servent de mur une salle remplie de gens qui dorment entassés les uns sur les autres. C'est à ce moment là où j'ai pris la décision la plus conne de la soirée : "Tiens, et si au lieu de dormir un peu, je restais à me faire chier dans cette petite pièce à peine chauffée ? Bah oui, parce que il faudrait pas que je rate les autres quand ils vont redescendre et passer me chercher." 


Dimanche 4h30

Vincent :  Le soleil commence à se lever alors que nous sommes encore assez loin du sommet. Mais nous sommes complétement enveloppés par le nuage, et tout au plus voit-on le ciel passer du noir au gris sombre. Gros échec. 
Alex, la fille du MIT nous avait miraculeusement rattrapé, et avait l'air bien sereine comparée à mes compagnons d'infortune. La concentration de japonais sur le chemin atteignait alors le seuil critique, et nous ne progressions plus que par à-coups. Je me faisais peu à peu distancer par Paul et Victor, même si je continuais à apercevoir la tête de Victor dépasser de la foule des randonneurs, quelques 30 mètres devant moi.


Paul : En moins d'une heure, j'étais littéralement trempé. J'étais habillé de deux T-shirts, une pull et une grosse polaire, avec un troisième T-shirt autour du cou pour pour avoir une sorte d'écharpe. Mais tout fut rapidement imbibé. C'est également vers ce moment là que nous avons perdu Vincent et Adrien.

Nous étions à 900m du sommet. La foule était désormais bloquée. La queue-leu-leu ressemblait à celle d'une attraction de Disneyland un week-end d'été. Le vent était plus fort que jamais, menaçant de vous déstabiliser à tout moment, et vous empêchant de vous réchauffer. La pluie s'assurait que toute chaleur produite était évacuée vers l'extérieur, tandis que la foule, en limitant les mouvement, interdisait toute tentative de produire cette chaleur. J'ai donc commencé à avoir froid. Très froid. Victor était dans un état similaire au mien, malgré son imperméable. Tremblant et grelottant, nous avons donc poursuivi notre ascension.  


Adrien : La pluie s'était intensifiée. J'avais définitivement perdu les autres loin devant,avec la foule formant un mur m'enfermant efficacement. Je suis arrivé à l'étape 8,5 , le dernier des abris avant le sommet. J'étais déjà bien trempé. J'ai marché une cinquantaine de mètres. Et là, ce fut la tempête. La pluie froide me gelait et les vents violent manquaient de peu de me renverser moi, comme les autres randonneurs.  Le sol se fit de plus en plus traitre. Je passais avec lenteur le torii de bois incrusté de pièce de la neuvième étape.Il ne restait  que deux cent mètres. Nous ralentissions peu à peu. Et une heure plus tard, cent mètres plus loin, à moins de cent mètres du sommet, nous nous sommes immobilisés tout à fait, dans le froid et la tourmente. Le bas de mon corps était complétement trempé jusqu'aux os, mon  pantalon était complétement imbibé, mes chaussures complétement remplies débordaient. Le haut était à peu près au sec, mon imperméable remplissant son office de façon satisfaisante.


Butro : Le temps passe, je me sens mieux et j'ai un peu moins froid. Dehors c'est le déluge complet. Le soleil commence à se lever, tout le monde sort donc de la barraque pour aller sur la partie extérieure de la station où on se les pèle grave, et où le vent est assez fort pour vous faire marcher tout seul.

Ah, et quand je dis tout le monde, je parle des 200 personnes qui se cachaient dans la petite maison qui doit pas être plus grande qu'une cuisine comparat. Voilà voilà, il y avait donc 6 étages de lits sur 2 mètres de haut, et tout ce petit monde décide en même temps de se lever pour voir le soleil. Autant vous dire que j'ai perdu toute trace des gens avec qui j'avais parlé, et que j'ai regardé ce qui était tout de même un magnifique phénomène naturel collé contre le mur extérieur de la maison, et remerciant le ciel de m'avoir fait aussi grand.

C'est à peu près là que s'arrête la partie cool de ma soirée.

Après le lever de soleil, tout les japonais sont partis pour redescendre le mont Fuji. Fun fact : ils étaient à peu près tous par groupe de 20/30 personnes, groupes organisés et guidés par des professionnels, qui ont donc décidé de donner des noms à ces groupes aussi coolesques que "sakura climber" ou je sais plus trop. Enfin comme ils ne pouvaient partir que lorsque tout le groupe avait été réuni, le résultat a été assez chaotique, et le dernier groupe est parti vers 5h30.

A ce moment là, je me demande où sont passés les autres. Je suis dehors, puisque regardant la fin du lever de soleil, et il fait toujours aussi froid. La pluie est toujours aussi abondante, et les bourrasques de vent sont toujours aussi impressionnantes. Sauf que pour une raison qui m'échappe et qui me donne encore envie de défoncer des chatons par paquets de 40, passé le lever de soleil, eh bien il n'était plus autorisé de rentrer dans la petite maison, où le staff avait disposé une table longue et basse avec de la nourriture dessus. Par contre les fenêtres étant transparentes, et sans volets, j'avais juste le droit de baver devant les mets disposés à 5 mètres de moi. 


Dimanche 5h30

Paul : Cela a duré 3 heures.

Durant 3h, nous étions transis de froid, le vent et la pluie nous fouettant le visage, obligés d'avancer la tête vers le sol. Nous restions parfois 5 minutes sans bouger avant de faire un pas. Et de continuer à attendre. Il n'y avait aucun abri, que ce soit pour le vent ou pour la pluie. Nous ne pouvions que suivre le groupe et attendre que cela passe. Pendant trois longues heures. Pour faire seulement 900m.
Je pense que cette montée est une excellente candidate aux plus longues heures de ma vie. Plusieurs fois j'ai pensé à faire demi tour, mais puisque nous avions perdu les autres et que le rendez vous était en haut, nous avons continué. Dans la foule et la nuit, rien ne nous disait que nous allions les croiser.

Nous sommes donc arrivé en haut vers 6h du matin, épuisé physiquement et mentalement. Durant la montée, une étudiante du MIT nous avait rejoins (c'était la seule fille du groupe). Rapide-jap devait aller au toilettes, et nous devions l'attendre pour redescendre. Nous nous sommes donc roulé en boule sur un muret sous la pluie, un peu à l'abri du vent, et nous avons attendu.

Une dame qui commençait à redescendre est venu me voir en me conseillant de continuer à monter. Il y avait un abri plus haut, où nous pouvions attendre. Je lui ai répondu que nous attendions juste quelqu'un, qu'il devait revenir vite, avant de redescendre au plus vite.
Un japonais m'a tendu une chaufferette quasi froide. J'ai failli pleurer lorsqu'il me l'a tendu tellement j'étais épuisé.
Au bout d'environ 20 minutes, rapide-jap et l'étudiante sont revenus. Mais Victor se sentait mal, et ne se voyais pas redescendre tout de suite. Nous sommes donc allé nous mettre à l'abri au sommet.


Vincent : La montée tourne au calvaire. La pluie est devenue si forte que mon pantalon en toile est complétement trempé, et n'oppose plus aucune résistance au passage du vent glacial. Nous avançons de plus en plus lentement, et finalement je perd de vue les autres. Mais est-ce la fatigue et le manque d'oxygène qui m’empêchent de réfléchir, ou le fait que personne autour de moi ne rebrousse chemin ? Pas un instant je n'envisage d'abandonner, même si le soleil est déjà levé, même si l'on ne verra rien d'en haut à cause du nuage. Je continue à avancer, la tête vers le sol pour empêcher les poussières volcaniques entrainées par le vent d'entrer dans mes yeux, prêt à me baisser pour conserver mon équilibre en cas de bourrasque. 

Finalement vers 6h, un mec me barre la route en me disant "you shall not pass" (ou un truc du genre). Apparemment, les conditions météo sont trop mauvaises au sommet. Là, c'est le déclic. Pourquoi je me fait encore chier à monter ? Avec soulagement, je commence finalement à redescendre. Oui mais voilà...

Je ne suis pas le seul à avoir eu ce raisonnement, visiblement. La majorité des japonais qui m'entoure fait également demi-tour, et on se retrouve rapidement aussi coincés que dans la montée. Génial. Il m'a fallut près de 1h30 pour redescendre à la plus haute station de repos. A un moment donné, j'ai croisé Adrien et lui ai expliqué la situation, mais il semblait déterminé à tenter sa chance. Je ne l'ai pas attendu.


Adrien : Et l’épreuve continua. Dans le nuage, la pluie était parfois horizontale par la force des vents.  J'endurais les bourrasques malignes comme les autres, L'eau et le vent provoquaient un froid lancinant dans mes jambes, mon sous vetement gorgée d'eau glacé m'imposait un terrible supplice.Et à cela s'ajoutas bientot ma vessie qui me fit part de besoins impérieux, réclamant au plus vite pour leur satisfaction une situation propice. Mais je tins bon. J'avais déjà tant marché, tant enduré, je voulais atteindre le sommet. Je me comparais au samourais stoiques, je me voyais valeureux, alors que je ne faisais probablement que preuve de mon entêtement. A un moment, J'ai vu redescendre Vincent,au milieu d'une file descendante. Je l'ai helé et il m'informa que lesguide de montagne encadrant la procession avaient éstimaient la montée trop dangereuse dans ces condition et en deconseillait fortment la poursuite.


Butro : J'étais dehors, trempé au niveau du torse (la maison protégeait le bas du corps de la pluie et de la brume), grelottant, et faisant les 100 pas pour ne pas rester immobile. Dans ma tête, les autres étaient en galère plus loin, et donc étaient assez lents, mais ils allaient arriver assez rapidement. En tentant de me rappeler du programme qu'on nous avait donné, je me suis dit qu'ils devraient partir du sommet au plus tard vers 6h du matin, et donc arriver à ma station vers 6h30.

Pour me protéger du vent, j'avais trouvé une petite solution sympathique : j'allais me cacher dans les toilettes en bois à côté de la petite maison. Toilettes à la turque bien sûr, de 1x1x1.5 mètre, et avec une ampoule froide au milieu de mon espace vital déjà assez réduit. Ah et puisqu'il était interdit de jeter le papier toilette usagé, il y avait une poubelle remplie à ras-bord dans un coin. Et ça sentait pas bon. 


Dimanche 7h

Butro : A 7h, en plein craquage de caca nerveux, je me dit que quitte à attendre comme un bouffon, autant attendre en bas où il fait plus chaud, et que si les autres me cherchent à Tombouctou et ne me trouvent pas, il iront bien me chercher en bas. De plus, je commençais à me dire que je les avais peut-être ratés, et qu'ils m'attendaient soit en bas du mont Fuji, soit à la station de bus où nous avions garé les voitures la veille.

Commence alors la descente la plus rapide de l'histoire du mont Fuji (j'exagère un peu ^^) : slidant de rocher en rocher, courant sur les parties plates, je me déchargeais de mon inquiétude et de ma perte de patience sur tous les cailloux que j'écrasais de mes pieds fatigués mais robustes.

Ce qui m'inquiétais le plus, c'était de me dire que tous les autres étaient en train de me chercher et que j'allais causer du tord à tout le monde, notamment en bouleversant complètement le programme initial. Je voulais donc vite revenir en bas de la station, car c'était là où les chances de revoir des gens étaient les plus grandes.


Vincent : Je rejoins un large chemin rendu boueux par la pluie, sur lequel il est (enfin) possible de progresser rapidement. Seulement, ce n'est pas le chemin que j'ai emprunté à l'aller. D'abord très inquiet, je tente d'interroger un japonais sur le chemin à suivre (un gros échec, je suis à peine capable d'aligner 2 mots avec la fatigue). 

C'est finalement un plan qui m'apprend que je suis sur le chemin descendant, qui est différent du chemin montant mais le rejoint en bas de la montagne. Vaguement inquiet pour ceux qui étaient devant moi et avaient surement atteint le sommet (il faisait un temps épouvantable, même là ou j'était), et par le fait que je n'avais aucune chance de croiser les autres en empruntant ce chemin, je m’arrêtais une vingtaine de minutes, le temps de récupérer et de me sustenter un peu.


Paul : Nous sommes resté environ 1h30 au sommet. Je n'ai pas réussi à me réchauffer (mes vêtements étant imbibé de près d'un litre et demi d'eau), j'ai continué à trembler durant tout ce temps. Enlever mes habits n'aurait rien changé, et je n'avais pas de change. Même si j'en avais eu, il aurait été absolument trempé par la pluie que nous avions affronté. Nous avons mangé un peu, du sucré comme du salé. Un second japonais nous as rejoint (appelons le... Jap-cool. J'ai plus d'idées), et les deux japonais nous ont acheté des soupes chaudes, ainsi que des bols de ramens. Et surtout, ils nous ont acheté des imperméables intégraux (zut pour l’orthographe). Vous savez, les trucs en PVC super moche, avec un pantalon en plastique transparent pour se protéger de la pluie. Malgré le fait que nous soyons trempé, ils protégeaient du vent et de la pluie, et surtout, gardait la chaleur. J'avais toujours froid et je tremblais toujours, mais c'était déjà plus supportable


Adrien : N'en pouvant plus, j'avais finalement commencé à redescendre. Comme bon nombre d'autres, d'ailleurs. Si pour la première partie de la descente, la rocaille rendait celle-ci malaisée, je fus bientôt guidé par le personnel encadrant sur un chemin plus agréable, fait de quelque cailloux et d'une bonne couche de poussière volcanique. Celle-ci amortissait bien les impacts de mes pas, qui se firent plus rapides, motivé par le besoin et l'inclinaison. Mais qu'est ce que j'ai en mangé!(Mais jamais mordu)!  J'ai dévalé la pente. Pas besoin de cheval pour descendre de la montagne, même au trot. Je crois qu'à cause des conditions ( Pente + vêtement mouillé), j'ai adopté une démarche proche de celles des pingouins, qui ne m’empêchait néanmoins pas de faire preuve de vitesse. 


Dimanche 8h30 :

Butro : Arrivé en bas à 8h30, personne. Dans un gros caca boudin nerveux intergalactique, et poussé par le froid encore très agressif pour cause de pulls mouillés, je décide de prendre le bus pour revenir là où il fait chaud : les voitures et la station de bus d'où nous étions parti (appelons là GreenLand). Je vous passe l'épisode où j'attends 30 minutes le bus qui ne vient pas, pour me rendre compte qu'en fait je n'étais pas à l'arrêt de bus, mais juste au dessus.


Adrien : En un peu moins d'une heure et demi, ou peut être un heure, j'étais en bas de la piste. Ensuite, c’était approximativement plat. Le chemin traversait un foret, je fus tenté de m'y soulager, mais il y avait beaucoup de monde et je ne savais pas si il était vraiment permis de quitter le chemin pour s'isoler, je me résignais donc à poursuivre mon chemin pour atteindre le poste de l’étape 6 et affronter la longue queue qui se trouve invariablement devant les toilettes des environs et qui m'avait rebuté  à chaque occurrence quand une occasion se présentait dans la descente.  Je fis donc le trajet estimé à vingt minutes en dix et je me joignis à la file. Peu avant mon tour, je vis descendre Vincent, qui était pourtant partis avant moi avec une bonne avance. Je l'avais dépassé sans le voir dans mon ardeur à atteindre l'arrivée et mon soulagement. Celui-ci se fit bientôt , libération, mais ma béatitude ne m’empêchât pas d’être surpris par la puissance du flot, la quantité et le fait que cela fumait dans le local exigu. Ensuite, Vincent me conseilla d'attendre en ce lieu les autres, lui allait faire de même  au village plus loin.


Vincent : Remotivé par la nourriture et pressé d'en finir, j'avais descendu les zigzags du chemin en courant presque. Arrivant finalement au pied du sentier, je repérais Adrien tout seul, en train de faire la queue pour les toilettes. Cela m'étonna un peu, il était déjà près de 9h (l'heure du rendez vous devant les bus pour redescendre) et j'avais pas mal trainé dans la descente, je m'attendais à ce que presque tout le monde soit en bas à m'attendre.
Je lui proposais d'attendre là pendant que je retournais à la station de bus, pour voir si les autres y étaient déjà. Malgré mes jambes douloureuses j’accélérais sur la fin du chemin, pressé de retourner au sec et de pouvoir me changer.


Dimanche 9h :

Butro : Il est 9h03, et je monte dans le bus CHAUFFE !! Grand moment d'euphorie intérieure, j'enlève mes chaussures et mes chaussettes trempées et remplies de basalte en poudre, et je me tape un petit somme de 30 minutes le temps d'arriver à bon port.

Là, confiant, je me dirige vers les voitures qui étaient garés sur un parking relativement grand, qu'on avait vu de nuit, et sans y prêter attention. Bref, j'étais incapable de dire si nos voitures étaient encore là où pas. D'autant que dans le planning imaginaires que j'avais tenté de retrouvé dans mes souvenirs, à 9h30, on était censé être déjà parti. J'imagine le pire : les voitures ne sont plus là.

Grand moment de solitude, où je me dis que pour le bien du groupe, les autres ont continués la sortie, et que surement un seul japonais est resté à la station de bus côté mont Fuji pour me chercher et m'attendre. La meilleure solution à ce stade aurait été d'appeler un des japonais du groupe pour lui dire que j'allais bien, et de venir me chercher à GreenLand.
Évidement, je n'ai ni portable ni numéro... Ah, en fait si, j'ai dans la poche avant de mon sac trempé la feuille des numéros à appeler en cas d'urgence : l'hôtel, le fixe de l'entreprise, et surtout, le numéro de MAYUMI KATO, la gentille madame qui gère le côté administratif de notre stage. Comme quoi, ça sert de ne rien ranger.

Mais où trouver un téléphone ? Et des gens assez gentil opur me permettre de passer 2 coups de fils ? C'est sans compter sur le fait que nous sommes au Japon : il est 9h30, et j'entre dans le centre de renseignement de GreenLand, un studio en bois assez spacieux avec 3 employés et des bancs. J'explique ma situation (heureusement, le japon aimant bien les touristes, une des employés parle très bien anglais; elle doit être spécialisée dans le gaijin). Tout de suite, on me dit que y a pas de problème, je peux utiliser le téléphone autant que je veux, et on me donne même un peu de thé et des bonbons (qui seront ma seule nourriture jusqu'à 20h ce soir là).

On est donc 9h35 un dimanche matin, et j’appelle, au milieu des vacances de trois jour, une madame qui n'a aucune idée du bordel qui se trame au Mont Fuji. Forcement, au téléphone, ça passe moyen, je comprend rien, elle comprend rien, finalement je lui passe une employée qui lui explique. Elle me dit que ca va être difficile, mais qu'elle va essayer d'avoir le numéro du tuteur de Steven (un des mecs du MIT).

Bon là ca devient compliqué. En gros : elle sait pas qui est au mont fuji, je connais pas leurs noms, je tente de lui décrire les gens, on se trompe une première fois et on dérange un dimanche matin un pauvre type d'IHI qui ne me connait pas. J'obtiens enfin deux numéro : celui de Yoshida-san, qui était avec nous, et celui de Tokuda-san, le tuteur de Vincent, qui n'était pas au mont Fuji, mais qui connait du monde. 


Vincent : J'arrive à la station de bus, personne de notre groupe en vue. Je me précipite au toilettes, le siège est chauffé. Oh, joie. Avec enthousiasme, j'ouvre mon sac en espérant me changer, mais la totalité de son contenu est dans le même état qu'après un séjour dans une piscine (mon appareil photo ne fonctionne plus depuis, d'ailleurs). Je me résigne à garder mes vêtements trempés, et vais attendre dehors que quelqu'un du groupe passe. 
Le vent est plus fort que jamais, et étant bien refroidi je peine à me déplacer. Surtout, je me met à trembler comme une feuille à cause de mes vêtements trempés. Du coup, je me pelotonne dans un coin à peu près à l'abri du vent, met la capuche de mon pull BDS et attends. Le gens qui passent me regardent bizarrement, je me demande pourquoi. 


Dimanche 10h30 :

Vincent : Après une attente interminable, je vois finalement arriver Yoshida, l'un des japonais du groupe. Gros soulagement, je commençais sérieusement à me demander ce qui était arrivé au autres. Après avoir tenté, sans succès, de contacter un autre japonais, il propose que nous redescendions attendre au parking où la température est plus supportable. J'accepte volontiers.


Butro : Forcement, aucune réponse des deux portables. il est bientôt 10h30 à force de poiroter et de rapeler sans cesse des gens qui répondent pas. Dans un ultime espoir de nouvelles, on contacte le centre de secours du Mont Fuji, qui n'a aucune information au sujet de personne, et un onsen du coin dans lequel je soupconnais (à tord) que nous devions nous rendre dans l'après-midi.

11h, l'échec est total, je me sens trop mal de foutre la merde pour tout le monde, je déprime dans un coin du centre d'information. Soudain, j'aperçois Yoshida qui franchit la porte du centre. JOIE^500. Je vous fais pas un dessin. 


Vincent : Nous avons retrouvé Butro en bas. Il avait  une tête de déterré, mais je n'étais pas mal non plus, avec mes yeux qui ont viré au rouge à force de recevoir des poussières volcaniques.

Nous n'avons vu descendre les autres que 3 heures plus tard. 3 heures que nous avons passé au soleil, au chaud, assis dans l'herbe, nous ne sommes donc pas les plus à plaindre. Le ciel était magnifiquement bleu, à l'exception du petit nuage couvrant le haut du mont Fuji. C'est ce qu'on appelle avoir la poisse.


Adrien : J'ai attendu deux longues heures dans le vent et le froid. C’était tout de même plus supportable qu'en altitude.Un de nos japonais est passé en coup de vent. Vers la fin, je liais conversation avec un anglophone qui faisait le parcours complet,en partant de l'étape 1, une des villes de la plaine et non pas du 5. Celui-ci attendais sa copine japonaise qui était plus lente, comme de juste. Me souvenant d'un rendez-vous au bus vers 11h, je suis partis vers le village et sur la route, Kitagawa-"japonais sportif n°1"-san m'a rattrapé. Les autres arrivaient, nous allions les attendre au village. Peut de temps après, nous étions tous rassemblés, sauf Jérémy et le japonais-"coup de vent"qui étaient ensemble en bas au parking, et Vincent. Nous l'avons d'abord cherché au village, puis nous avons envoyé une partie de l'équipe en bas; pendant que je restait avec trois Japonais au village. Vincent avait dit qu'il attendais la, il ne fallait négliger aucune possibilité. Lorsque nous avons appris qu'il se trouvait en bas aux voitures, nous avons pu prendre le bus pour une demi heure de descente et de retour aux voitures.


Paul : Nous étions reparti du sommet vers 8h. Il n'y avait quasiment personne sur les chemins, donc ce fut beaucoup plus rapide. En redescendant, le vent et la pluie se sont calmé, et les températures étaient plus clémentes. Nous avons retrouvé différents membres du groupe durant la descentes, mais aucun des français. A part cela, peu de choses intéressantes, à part que nous avons descendus sur des zig-zag interminables, dans un sol toujours consituté de sable, poussière et gros graviers. En tout, la descente a duré 6h. Nous fûmes en bas vers midi et quelques, épuisés.

Pour résumer, cela nous a pris, à Victor et moi, 14h pour faire l'aller retour au sommet. Sur ces 14h, nous avons marché (ou du moins été debout à attendre) environ 11h. J'ai tremblé de froid pendant 8 ou 9h sans pouvoir m'arrêter ou me réchauffer : Je crois que je n'ai jamais eu aussi froid, aussi longtemps de toute ma vie. Le tout bien évidemment sans dormir.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire